Modeste lieu de culte, bâti au milieu d’un minuscule bourg, l’église du Favril était là dès 1250. Huit siècles d’histoire…
Sous le règne de Saint Louis, Saint-Pierre du Favril était déjà là. C’est ce que confirme un registre du diocèse de Chartres, dressé en 1250, qui mentionne une église paroissiale dédiée à Saint-Pierre au Favril (Faverilium). Le texte ajoute qu’on y comptait un curé et 56 paroissiens.
(Attention, ce chiffre ne désigne sans doute que le nombre de chefs de famille. En ce cas, on peut imaginer de 200 à 250 personnes habitant au bourg ou aux environs immédiats de l’église.)*
Des origines à l’arrivée des Aligre
Construite en silex, pierres de grison et chaux ocre, cette chapelle primitive se limitait à l’actuelle nef. Soit un simple rectangle, d’environ huit mètres de large sur quinze de long, surmonté d’une voûte lambrissée et clos au niveau actuel de la chaire par un chevet plat sur lequel s’appuyait l’autel. Il n’y avait ni sacristie, ni l’avant-corps que l’on nomme localement « le caquetoire ». Dénuée de vitraux, l’église était seulement éclairée par cinq petites baies en plein cintre, simplement munies de verre ordinaire.
À l’issue des Guerres de religion, l’édifice est agrandi, par l’adjonction d’un chœur, plus large et plus haut que la nef. Au fond, le nouveau chevet en demi-cercle, éclairé par deux grandes fenêtres ogivales, permet de reculer le maître-autel et d’accroître le volume de l’église. Cet important chantier a lieu en 1586, comme le prouvent les deux inscriptions gravées sur la « poutre de gloire » de la nouvelle charpente. La première rappelle la mémoire du prêtre d’alors « Maistre Macé Hurtault, curé de Saint-Pierre du Favril 1586 » et l’autre porte la signature des charpentiers « M. Garnier et L. Gaillard 1586 ». Dès lors, l’édifice présente la silhouette étagée qu’on lui connaît aujourd’hui, et qui est si caractéristique des églises du Perche.
L’apport des Aligre
Quand Étienne II d’Aligre devient seigneur du Favril vers 1640, il considère Saint-Pierre comme son église paroissiale. Son blason armorié « aux trois soleils d’or » y apparait de très nombreuses fois et c’est là qu’on trouve son prétendu tombeau et celui de son épouse.
Après lui, tous ses descendants auront également à cœur d’embellir l’église. Au fil des ans, ils la dotent d’une litre seigneuriale, sans doute peinte lors du décès d’Etienne III d’Aligre en 1657, et d’une série de peintures murales très dégradées représentant les douze apôtres.
Mais le plus intéressant est certainement un très bel ensemble de statues anciennes.
Parmi celles-ci, une très rare représentation de la Trinité, où l’on voit Dieu le Père, présenté sous la forme d’un vieillard coiffé d’une tiare, surmonté de l’Esprit Saint, symbolisé par la colombe, et tenant entre ses mains le Christ en croix. Mais, on ne saurait négliger le Calvaire, situé à l’aplomb du chœur, qui montre le Christ en croix, entouré de l’apôtre Jean et de la Vierge Marie, selon une représentation que l’on retrouve dans de nombreuses églises du Perche.
La nef, quant à elle, offre d’autres belles statues typiques de l’art populaire. Signalons les effigies de Saint Sébastien, Sainte Catherine, Saint Evroult, Saint Pierre et Saint Nicolas. De tailles assez différentes, ces œuvres sont remarquables de fraîcheur et de naïveté. Loin des stéréotypes, la bonhomie des visages et la simplicité des attitudes sont le signe d’un art populaire particulièrement attachant.
Toutes ces statues en bois stuqué et peint, datées des 16e et 17e siècles, sont depuis 2010 inscrites sur l’Inventaire Supplémentaire des Objets Mobiliers Classés. Il en va de même pour un bel ensemble de vêtements liturgiques du 18e siècle. Ces chapes et chasubles sont également inscrites à l’I.S.O.M.C.
Une « modernisation » au 19e siècle
En 1876, l’église reçoit une nouvelle vague d’embellissements. Toujours grâce à la générosité des Aligre, on remplace les cloches disparues à la Révolution et surtout, on entreprend un vaste plan pour orner l’édifice de vitraux. Le projet est d’envergure, puisqu’on crée de nombreuses ouvertures nouvelles et que l’on agrandit celles déjà existantes.
Au total, on obtient un ensemble de vitraux remarquables par leurs couleurs et la qualité de leurs dessins. Réalisés en 1876 par les ateliers du Carmel du Mans, cet ensemble comporte six vitraux dédiés à la vie du Christ, et sept vitraux, dans le chœur, représentant la vie de Saint Pierre.
Et une toute récente découverte…
En 2008, une poignée de Favrilois prend conscience que l’église de leur village est en piteux état. L’édifice se dégrade rapidement. Un vitrail est cassé et des oiseaux ont fait leur nid au creux d’un immense tableau dont la toile déchirée pend lamentablement.
Très vite l’attention de l’Association de sauvegarde est attirée par le cadre monumental de sa toile en piteux état (env. 3 m 50 X 2 m 50), relégué au fond de l’église. De même, ils remarquent deux très grandes boiseries accrochées sans raison près de l’escalier du clocher. Or, ces trois pièces, richement sculptées et ornées de volutes et d’angelots rehaussés d’or dans le goût baroque, sont de style identique. On comprend rapidement qu’il s’agit là des éléments épars d’un somptueux retable du 17e siècle. A l’origine, ils formaient un ensemble de panneaux, peints et ornés de motifs religieux, fixés verticalement derrière le maître-autel. Sans doute les avait-on démontés au moment du percement des nouveaux vitraux…
Consultés, les experts des Monuments Historiques confirment que « ce retable, par sa taille et sa somptuosité, mérite d’être réhabilité et remis en place, tel qu’il l’était originellement ». Le sauvetage est donc organisé.
Finalement, après trois années de restauration grâce aux efforts conjugués de l’Association, de la Mairie et des autorités du Patrimoine, le retable et son tableau, qui représente une « Assomption de la Vierge Marie », ont retrouvé en 2013 leur place originelle au-dessus du maître-autel et surtout leur splendeur d’antan.
L’ÉNIGME DU « VRAI-FAUX » TOMBEAU
Longtemps, on a donc cru que le seigneur du Favril, ancien garde des Sceaux de Louis XIII, était enseveli ici, dans l’église Saint-Pierre, près de son château de La Rivière. Le monument funéraire était même classé à l’Inventaire des Monuments Historiques depuis août 1906.
Pourtant le style ne « collait » pas et le portrait gravé d’Aligre ne ressemblait guère aux tableaux que l’on possède de lui.
Après une minutieuse enquête, l’explication apparut enfin.
En fait, ce bas-relief, sculpté en 1702 par Philippe Bertrand, ornait à l’origine la tombe d’un autre noble mort en 1700. Mais, saisi avec les autres biens nationaux au moment de la Révolution, son tombeau fut mis en vente. C’est alors, en 1819, que le marquis Etienne Jean-François d’Aligre (1770-1847) en fit l’acquisition.
Devenu Pair de France et doté d’une fortune considérable, ce marquis, descendant à la sixième génération d’Étienne II, le garde des Sceaux fondateur de sa lignée, tenait à honorer la mémoire de son aïeul. Après avoir repris possession du château de La Rivière il voulut lui offrir une sorte de « chapelle seigneuriale » au Favril. Pour cela, il n’eut plus qu’à faire installer ce tombeau dans l’église Saint-Pierre, après avoir pris soin de le « personnaliser » en y apposant les armoiries et le nom de son ancêtre. Sans toutefois aller jusqu’à altérer le visage figurant sur le médaillon d’origine…